Découvrez Urban Rigger à Copenhague : un concept de maisons flottantes écologiques et abordables fabriquées à partir de conteneurs recyclés.
© Urban Rigger
Et si vivre sur l’eau était une des solutions à la crise du logement et aux défis environnementaux ?
À Copenhague, comme dans la plupart des villes européennes, trouver un appartement relève du véritable casse-tête. Et ça devient même mission impossible avec un budget serré. Il n’y a pas un seul m² de terrain disponible et la ville est déjà densément peuplée.
Pourtant, si Copenhague manque d’espace terrestre, il y a en revanche beaucoup d’espace sur l’eau. Et ce même en plein centre-ville. Et si nous utilisions cet espace disponible pour y accueillir des logements flottants écologiques et abordables ?
C’est de cette vision qu’est né Urban Rigger, un concept de logements étudiants durables fabriqués en conteneurs recyclés. Cela fait désormais cinq ans que l’ensemble flotte à Reffen, au nord de la capitale danoise.
Lors de mon passage à Copenhague, j’ai eu la chance de rencontrer Anna Rosa Rylander, directrice générale d’Urban Rigger, et Signe Ryborg, en charge des relations presse et de la communication. Elles m’en ont dit un peu plus sur ces conteneurs iconiques et m’ont également expliqué en quoi Urban Rigger pouvait constituer une solution particulièrement adaptée aux défis environnementaux de notre siècle.
Le concept Urban Rigger : c’est quoi ?
Un style de vie unique, au bord de l'eau.
A Copenhague, Urban Rigger est un ensemble composé de six blocs indépendants, appelées “Riggers”.
Chaque Rigger est constitué d’une plateforme flottante en béton sur laquelle ont été assemblés des conteneurs aménagés en appartements. Chaque unité comprend 12 appartements au total : 3 appartements d’environ 30 m² au rez-de-chaussée et 9 appartements d’environ 23 m² au premier étage.
Une unité “Rigger” © Urban Rigger
Vivre ensemble.
Sur chaque Rigger, les conteneurs ont été disposés en forme de triangle pour promouvoir les interactions entre résidents. Ces derniers partagent également des espaces communs. La plateforme en béton accueille en effet un salon, des espaces de stockage et une buanderie. Les étudiants bénéficient également d’espaces extérieurs avec un patio et un toit avec vue imprenable sur Copenhague. Vivre ici c’est se réveiller chaque jour avec une vue unique et une irrésistible envie de sauter dans l’eau directement depuis son lit…
© Urban Rigger
Des consommations d’énergie et d’eau réduites de 60%.
Urban Rigger et ses partenaires – Bjarke Ingels, Grundfos et Danfoss – ont développé spécifiquement pour les Riggers des solutions techniques permettant de réduire de 60% les consommations énergétiques par rapport à des logements traditionnels. Les conteneurs sont équipés de panneaux solaires qui alimentent une pompe à chaleur qui extrait la chaleur de l’eau de mer environnante. Danfoss a mis en place un système de ventilation à faible consommation énergétique qui fournit constamment de l’air frais. Enfin, les logements sont fortement isolés avec, en particulier, des fenêtres à triple vitrage et une membrane isolante réfléchissante Aluthermo.
Ne pas impacter le sol ni les écosystèmes marins.
Un des éléments clés du concept Urban Rigger est de faire des logements flottants, qui ne sont pas scellés au sol mais simplement attachés au quai. Ce détail a son importance. Il s’agit de vivre sur l’eau sans impacter le sol ni l’écosystème des canaux de Copenhague. La plateforme en béton est conçue de sorte que les microbes, les moules et les algues puissent s’y développer directement, afin de préserver la biodiversité.
Urban Rigger a conclu avec la municipalité de Copenhague un contrat de location des quais de Reffen pour une durée de 20 ans. Le moment venu, il sera possible de déplacer les logements ailleurs, sans engendrer de travaux majeurs.
Une solution face à l'élévation du niveau de la mer.
Vivre sur l’eau pourrait être une des réponses à la hausse du niveau de la mer, notamment dans des villes à risque comme Copenhague. La capitale est en effet située sur l’Øresund, le détroit qui relie la mer du Nord à la Baltique.
© Urban Rigger
5 ans après leur ouverture, l’immense succès des Urban Riggers ne se dément pas.
Les conteneurs d’Urban Riggers ont rencontré un immense succès. A Copenhague, ils font désormais partie du paysage et même des guides touristiques. De nombreux étudiants se portent candidats pour expérimenter ce mode de vie unique sur l’eau.
Urban Rigger a créé un précédent en prouvant qu’on pouvait vivre sur l’eau en consommant moins de ressources. Le tout, dans un cadre de vie exceptionnel.
De leur côté, les villes ont compris qu’elles pouvaient utiliser l’espace disponible sur l’eau pour créer des logements et en tirer des revenus. La ville de Copenhague (REDA) reçoit un loyer annuel de la part d’Urban Rigger en échange du droit d’ancrer les Riggers aux quais. Pour la ville, l’installation d’Urban Rigger à Reffen a été particulièrement bénéfique. Elle a permis de revitaliser une ancienne zone portuaire industrielle et d’en faire un véritable quartier de vie.
Un business case compétitif.
Un avantage non négligeable du concept Urban Rigger est de pouvoir construire des logements en moins d’un an. C’est une solution flexible qui permet de créer rapidement des logements durables tout en préservant le sol et les écosystèmes.
Le business case est par ailleurs compétitif par rapport à la construction traditionnelle au Danemark. Chaque Rigger installé sur le port de Reffen a coûté environ 15 millions de couronnes danoises (2 millions d’euros). Ce qui représente, pour une surface locative d’environ 750 m², environ 20 000 couronnes par m2 (2 700 euros par m²).
© Urban Rigger
© Urban Rigger
Qu’apprendre de l’expérimentation de Copenhague ? Peut-on espérer voir d’autres Riggers flotter ailleurs ?
Forte de son succès à Copenhague, l’équipe d’Urban Rigger entend désormais développer le concept dans d’autres villes, par exemple dans les pays nordiques. Elle travaille en ce moment à la conception d’une version améliorée, qui répondrait aux problématiques suivantes.
1/ Réduire l'empreinte carbone des conteneurs en acier.
L’empreinte carbone du projet de Copenhague est assez élevée car 5 des 6 Riggers ont été fabriqués à partir de conteneurs neufs. Seul le premier Rigger est en réalité construit à partir d’anciens conteneurs en fin de vie.
L’idée initiale d’Urban Rigger était pourtant de réemployer des conteneurs usagés. Le premier Rigger a été construit de cette manière. Du point de vue carbone, le réemploi de conteneurs usagés cochait toutes les cases. Aucun nouveau matériau n’était nécessaire pour construire la structure, nous réutilisions simplement quelque chose qui existe déjà. Cependant, ce qui semblait pertinent d’un point de vue durable était une fausse bonne idée. Les conteneurs usagés se sont en effet avérés trop abimés, ce qui a entrainé de nombreux problèmes techniques et des coûts de maintenance élevés.
Par conséquent, les 5 Riggers suivants ont été fabriqués à partir de conteneurs neufs. Or, la production d’acier génère une quantité massive d’émissions carbone.
Pour éviter cet écueil à l’avenir, Urban Rigger réfléchit à construire ses prochains conteneurs en bois. Autre sujet à l’étude : la substitution du béton de la plateforme par un autre matériau moins intensif en carbone. Voir à ce sujet l’article spécifique d’Act for real sur le béton ici.
2/ Améliorer l’efficacité énergétique et utiliser davantage de matériaux issus du réemploi.
60% d’économies d’énergies ont déjà été réalisées sur le premier projet à Copenhague par rapport à du logement traditionnel. Cependant, l’équipe d’Urban Rigger est convaincue qu’elle peut encore pousser cette performance sur les prochains prototypes. Elle souhaite également intégrer davantage de matériaux issus du réemploi et de meubles upcyclés.
3/ Réduire les coûts pour s'adresser à un public plus large.
Il faut compter entre 7 000 DKK (900 EUR) et 10 000 DKK (1 300 EUR) par mois pour se loger chez Urban Rigger. Si ce prix est conforme au marché du centre-ville de Copenhague, il n’en reste pas moins élevé.
L’ambition d’Urban Rigger est de prouver que ses logements flottants peuvent être une solution universelle : non seulement pour les étudiants aisés, mais aussi pour les familles, les personnes seules ou les seniors. Il s’agit aussi de démontrer que le concept est viable dans des villes plus petites et moins chères que Copenhague. Pour ce faire, l’équipe étudie les moyens de réduire les coûts de construction. Construire les conteneurs en bois pourrait s’avérer être utile à cet égard.
© Urban Rigger
Quels sont les défis qui restent à relever ?
Créer un cadre juridique pour s’assurer de la pérennité des maisons flottantes.
Avant Urban Rigger, l’espace maritime n’a été que très rarement utilisé comme un « foncier » propice à la création de logements. En cela, Urban Rigger est un projet pionnier qui a ouvert la voie à la création d’un cadre juridique dont d’autres villes peuvent s’inspirer pour créer des logements sur l’eau. En effet, ce cadre juridique est nécessaire pour s’assurer de la pérennité des maisons flottantes sur une localisation donnée et donc permettre aux investisseurs de sécuriser la rentabilité de leur investissement sur le long terme. Autrement dit, il est essentiel de créer un cadre juridique dans lequel on s’assure que les maisons flottantes soient là pour durer.
Faire des maisons flottantes une solution à long terme dans l'esprit des gens.
Du fait de l’utilisation de conteneurs en fin de vie, Urban Rigger a pu parfois être considéré comme une solution de logement à court-terme, qui n’était pas là pour durer. Un des enjeux majeurs est de faire des maisons flottantes une solution de logement à long terme dans l’esprit des gens. En cela, l’utilisation du bois pourrait s’avérer utile.
Urban Rigger a créé un précédent dans l’histoire. C’est un projet pionner qui a réussi à montrer qu’il était possible de créer des espaces de vie désirables et durables, le tout sur l’eau. Leur ambition désormais : révolutionner la manière dont nous voyons les maisons flottantes afin qu’elles constituent une des solutions clés que nous déploierons demain dans nos villes pour répondre aux défis environnementaux de notre siècle.