Assises modulables La.02, LaLaLa Signature © Davide Leggio
Comment faire en sorte que les meubles upcyclés, fabriqués à partir de matériaux destinés à être jetés, deviennent des incontournables ? C’est la mission à laquelle s’attelle le Booster du Mobilier Circulaire, porté par l’association Les Canaux et l’éco-organisme Valdelia.
Mission : accompagner les fabricants et éditeurs français à la production de mobilier en économie circulaire.
Créée en 2017 sous l’impulsion de la Ville de Paris, l’association Les Canaux est un acteur central de l’écosystème des entreprises engagées pour une économie sociale, solidaire et circulaire. Ce n’est pas la première fois que nous vous parlons ici de leur travail. En effet, nous vous avons déjà présenté la rénovation exceptionnelle de la Maison des Canaux : un projet vitrine uniquement réalisé à partir de matériaux de réemploi.
En 2020, Les Canaux s’associent à Valdelia – éco-organisme spécialisé dans la collecte et le recyclage des déchets d’ameublement – pour lancer la première édition du Booster du Mobilier Circulaire. Le principe est le suivant: accompagner une quinzaine de fabricants français dans la réalisation d’une gamme de meubles produits en série à partir de matériaux surcyclés. Deux promotions de fabricants ont déjà été accompagnées depuis ; la troisième est en cours.
Pendant 18 mois, les boostés bénéficient de formations générales et des coachings individuels leur permettant d’éco-concevoir, de prototyper puis de commercialiser un meuble en économie circulaire. Ils bénéficient également de la mise en relation auprès des alumnis du programme, ainsi que du réseau d’experts des Canaux. Le Booster vise l’accompagnement de structures variées, de tailles diverses. Si certains boostés sont des habitués du réemploi ou surcyclage de matières, d’autres sont des acteurs plus traditionnels qui voient dans l’upcycling une tendance émergente forte sur laquelle ils souhaitent se positionner.
Repenser la manière dont on conçoit un meuble.
Traditionnellement, un meuble est conçu en partant de la forme du produit final. C’est l’esthétique du meuble qui définit les matériaux nécessaires à sa fabrication. On aboutit à un processus de conception linéaire qui génère une extraction massive de ressources. Ces dernières ne sont pensées que pour un usage unique et seront jetées au bout de quelques années.
En économie circulaire, les meubles ne sont pas fabriqués à partir de nouvelles matières mais de matières existantes qui ont déjà servi et trouvent alors un nouvel usage. Mais cela implique de repenser entièrement le processus de conception. On ne conçoit plus un meuble à partir du produit final mais à partir du gisement de matières. On regarde ce qui est déjà là.
Thomas Delagarde Studio réemploie des lattes de sommier pour fabriquer les patères LAT © Les Canaux
Léa Collette-Germier, cheffe de projet économie circulaire pour Les Canaux en charge du Booster, nous détaille ce mode d’emploi: “On accompagne les boostés pour qu’ils commencent par sourcer un gisement. Une fois ce gisement identifié, on peut décider de ce qu’on veut en faire au regard des atouts et contraintes techniques de la matière.”
Partir du gisement.
Les gisements, plus communément appelés déchets, sont partout et en quantités pharaoniques. On en distingue deux sortes :
- D’une part, les gisements post-consommation qui sont collectés en fin de première vie. On pense par exemple aux morceaux de bois récupérés d’anciennes menuiseries de fenêtres, ou aux textiles usagés.
- D’autre part, les gisements post-production, apparaissant dans une chaine de fabrication en tant que sous-produits et n’ayant pas vocation à atteindre de clients finaux. On pense ici aux gisements de matières issus des pertes et chutes industrielles.
Afin de s’assurer une production en série régulière et pérenne à long terme, les boostés sont incitées à sourcer des gisements disponibles sous forme de flux et non de stock. Un flux désigne une quantité de déchets produits en continu (déchets post-consommation récurrents ou chutes industrielles par exemple). A l’inverse, la déconstruction d’un immeuble donné générera un gisement disponible sous forme de stock puisque des déchets seront émis à un instant précis, et non de manière régulière.
La qualité du gisement fait la différence.
C’est le gisement qui détermine l’objet final et sa qualité. On assiste ainsi à l’émergence de nouveaux métiers, spécialisés dans le sourcing de ces déchets qui valent de l’or. Chez certains acteurs de la construction, comme les architectes suisses Baubüro in situ, des “valoristes” sont par exemple chargés d’identifier les déchets issus des chantiers de déconstruction voisins et pouvant être réemployés dans les projets de l’agence.
Chez Maximum, les chaises Gravêne sont produites à partir de chutes de productions industrielles © Maximum
Autre exemple chez Maximum, l’un des leaders du mobilier upcyclé en France. L’entreprise, qui fabrique des meubles à partir d’excédents de production industrielle, a su capitaliser sur son excellente connaissance du tissu industriel français pour identifier des gisements, à première vue sans valeur ajoutée, émis par les usines et les utiliser comme matières premières pour ses produits.
Faire du mobilier circulaire un incontournable.
L’industrie du meuble est aujourd’hui moins avancée que celle du bâtiment en ce qui concerne le surcyclage. Mais le sujet progresse. L’organisation professionnelle qui regroupe les acteurs de l’ameublement, l’Ameublement Français, et l’Institut Technologique FCBA, organisme référent dans le domaine, sont d’ailleurs des partenaires majeurs du Booster du Mobilier Circulaire. Ces différents acteurs travaillent à faire émerger un cadre réglementaire favorable au mobilier circulaire. En effet, l’un des freins majeurs à l’utilisation des meubles issus de l’upcycling reste l’absence de certifications ou de conformité à certaines réglementations, ce qui empêche par exemple leur installation dans des ERP (Etablissements Recevant du Public) ou des écoles.
Car l’ADN du Booster c’est bien celui-ci. Mettre en relation les acteurs de la filière, faire se rencontrer les financements et les savoir-faire, contribuer à l’émergence de l’écosystème et œuvrer à sa structuration. L’ambition ? Que le mobilier circulaire devienne un incontournable de l’ameublement et que les meubles upcyclés, made in France, puissent être produits en série à un prix raisonnable afin de valoriser un maximum de gisements.
Des efforts qui paient.
Stand du Booster du Mobilier Circulaire au Salon Maison & Objet 2022 © Mélanie Fourcy
Trois ans après le lancement de la première édition, le Booster s’est professionnalisé et suscite désormais l’engouement d’acteurs clés du secteur.
Cette année, 3 meubles issus de la troisième promotion ont été choisis pour intégrer la Collection du Mobilier National, l’établissement public dépendant du ministère de la Culture chargé de meubler les bâtiments officiels de la République Française.
Les meubles développés dans le cadre du programme seront désormais dévoilés en avant-première sur le salon Maison & Objet en janvier prochain. Du coté des boostés, on s’organise en groupements, on échange les bonnes pratiques, on collabore – et ce entre promotions. En bref, on assiste à l’émergence d’une vraie filière.
5 idées pour meubler vos bureaux en upcycling.
Retrouvez l’ensemble des meubles conçus dans le cadre du Booster dans les catalogues de la promotion 1 et de la promotion 2. Et si vous cherchez à meubler vos bureaux, on vous également concocté un top 5 des meubles 100% réemploi, issus du Booster.
Bureau Kompa © Kataba
Alliant savoir-faire de designers de renom et d’artisans locaux, Kataba mise sur l’éco-conception pour réduire l’empreinte environnementale de ses meubles. Le bureau Kompa associe un plateau réemployé à de fins pieds en bois massif provenant de forêt gérées durablement.
Assises modulables La.02, LaLaLa Signature © Davide Leggio
LaLaLa Signature est un éditeur de mobilier écoresponsable et durable, au design intemporel et épuré. L’entreprise dessine tous ses meubles et pilote leur fabrication, grâce à son réseau de sous-traitants et d’artisans principalement français.
Les assises modulables La.02 sont entièrement conçues en économie circulaire à partir de déchets de l’industrie. La mousse intérieure est une mousse haute résilience déclassée, destinée à être enfouie. L’habillage textile est issu de surplus de production de l’industrie automobile. Enfin, les sangles sont des élingues, permettant de soulever des charges lourdes sur des chantiers de construction. Les normes de sécurité imposant qu’elles soient à usage unique, elles sont en général jetées alors qu’encore très solides.
Les assises se déclinent en 6 formes, qui peuvent s’utiliser seules ou ensemble.
Etagères Mono © Tournesol
Tournesol est un collectif de six architectes et designers toulousains, réunis autour du réemploi et de l’économie circulaire depuis 2019.
Sous la marque éponyme, ils conçoivent et fabriquent des meubles en France à partir de matériaux de seconde main, de surplus de chantiers et de chutes industrielles, dont les étagères Mono. Ces dernières sont produites à partir de déchets industriels sourcés dans un rayon de 30 km. Les portiques structurels sont réalisés en fer à béton tandis que les plateaux sont faits de plaques d’aluminium, normalement destinées à l’habillage de façades de bâtiments.
Panneau perforé en bois pegboard 48 cm © Quark
Situé dans le 19e arrondissement de Paris, Quark est née en 2020 de la volonté de produire des meubles de rangement et d’organisation modulaire à destination du grand public et des professionnels en Europe.
L’entreprise parisienne conçoit notamment des pegboards, des panneaux de créativité, à partir de plateaux de bureaux jetés par les entreprises. Les pegboards sont disponibles dans une grande variété de tailles, et peuvent avoir mille usages; tout à la fois rangement mural, support de réunions ou végétalisation de murs.
Tabouret Valmy © Tizu
Tizu est un fabricant-éditeur de meubles exclusivement upcyclés, conçus et fabriqués à Lyon.
Tizu a noué un partenariat avec Bonsoirs, marque de linge de maison française ayant mis en place un programme de reprise des draps en fin de vie. Grâce à ce circuit, Tizu collecte chaque mois une tonne de textiles aux textures variées et aux motifs uniques. Une partie de ce linge est sélectionné pour son potentiel esthétique, son état global mais aussi le type de fibres qui le compose. Les tissus choisis sont ensuite stratifiés sur des surfaces ou structures de meubles réalisées en contreplaqué issu de bois de récupération, comme c’est le cas pour le piètement du tabouret Valmy.